Après presque 3 ans au Canada, j’ai pris conscience que je suis bien dans l’hémisphère Nord. Par rapport à la météo, je n’imaginais pas un tel contraste, c’est complètement l’inverse de mon pays : c’est le jour et la nuit. Je suis très impressionnée de voir que je suis habituée désormais au climat. Ce fut tout un apprentissage de s’habiller en sortant de la maison, car le climat varie tout le temps dans une journée. Par contre, c’est une grande joie pour moi de marcher sur la neige quand ce n’est pas glissant. C’est un pays calme, avec plus de sécurité. Ce qui me frappait au début, c’était cet esprit de la propriété, ne pas gaspiller, récupérer ou donner les choses qu’on n’utilise pas dans un esprit de partage. C’est un pays qui respecte la loi pour protéger la vie de la population. Ça m’impressionne de voir tant d’espaces libres, plusieurs parcs et endroits pour les loisirs. Plein d’activités sont gratuites pour les enfants, les personnes âgées, les jeunes, pour tout le monde. Ça m’interpelle le souci de l’État pour la vie de sa population. Il favorise une bonne condition de vie pour son peuple. Je vois des personnes de différentes couleurs venant de différents pays. J’ai croisé des personnes parlant d’autres langues.
Ce qui me frappe c’est que la majorité des noms de rue porte le nom des saints : exemple : « boulevard Saint-Joseph » ou aussi « Jésuite » ou « Rue Sacré-Cœur ». Par contre, à l’église, j’ai découvert que la pratique chrétienne diminuait. On voit moins de jeunes à l’église sauf le jour de Noël ou de Pâques. Une chose qui me marque aussi, c’est le nombre de prêtres. Ils sont moins nombreux. Pendant le temps fort de l’église, le nombre de chrétiens qui assistent à la messe augmente. Ce qui m’impressionne, la personne québécoise possède un bon cœur, est ouverte, sensible à l’autre, attentive et accueillante. Je parle de Montréal et avec l’expérience d’un petit passage vers les villages éloignés en Abitibi. Sur la route, j’ai vu toutes sortes de beautés de la nature qui est encore plus différente que Montréal. Ça me surprenait le nombre de lacs et tant de forêts sur la route.
À la communauté des Sœurs des Sacrés Cœurs d’Amos, j’aime la simplicité de nos sœurs canadiennes. Je me retrouve dans la même famille des sœurs des Sacrés Cœurs qu’à Madagascar. Avec leurs âges et leurs situations, combien de fois je suis émerveillée de leur fidélité à vivre leur vocation. J’ai vu l’amour qui circule dans la simplicité, dans l’attention à l’autre, dans la compréhension et le service entre elles. Je vois comment la communauté peut soutenir les prêtres et l’évêque en mission en les accueillant pour partager la table, comment la communauté est un lieu de support pour les gens qui ont besoin de prière. Chaque jour, il y a une intention de messe demandée par une personne de l’extérieur. Malgré la différence d’âge, je me retrouve facilement. Je suis fière de nos sœurs qui continuent notre mission en tout temps.
Avec ma formation à Montréal, c’est la première expérience de ma vie de vivre l’interculturel avec des personnes de 6 pays. C’est une bonne expérience qui me permet d’aimer, d’élargir mon ouverture dans tous les domaines. C’est une grâce d’avoir cette possibilité de gouter la complémentarité de chaque pays dans la vie quotidienne. Cette expérience m’a fait beaucoup grandir. J’ai pu faire toutes sortes d’apprentissages au niveau de la relation, du changement corporel, du changement d’habitudes, par rapport au changement de l’horaire. Durant mes trois années de formation, le groupe dans ma résidence a changé chaque année : ce qui permet de s’ajuster et s’habituer à chaque fois avec le groupe. Je vois que chaque personne humaine porte la capacité de vivre avec d’autres et aussi que personne n’est parfait dans le monde. Par rapport à la richesse de la personne, je vois la même chose chez moi. Par rapport au défi, je vois les mêmes défis que chez moi. Mais ce qui nous différencie, c’est l’histoire de chacune qui nous a construites. C’est comme la situation dans la famille, les enfants n’ont pas le même caractère, non pas qu’ils sont de différentes familles, mais plutôt ils sont différents selon l’évènement vécu à leur âge et selon l’histoire de chacun. Comme partout, on trouve des personnes plus faciles ou difficiles à vivre avec les autres. Alors, l’ambiance à la résidence change selon le groupe, mais à chaque groupe, j’actualise mon ouverture. La formation me permet d’être solide et libre dans ma relation. Dans la vie, ce qui m’aide profondément c’est de prendre la décision à chaque fois et donner sens à ce que je fais comme apprentissage ou dépassement.
Je trouve que ce qui est un peu difficile dans la vie en groupe interculturel, c’est la nourriture et la manière de faire la cuisine. Ça peut être un grand défi quand on n’arrive pas à s’adapter. Pour moi, par décision, je suis capable de manger ce que les autres préparent en pensant à moi et aux autres qui donnent leur temps pour cuisiner. J’ai appris par observation les goûts de chacune pour faire plaisir aux amies. Je conserve ce que chacune aime pour qu’au moment de sa fête, nous reprenions l’idée de menu pour donner la joie. En faisant les courses chaque semaine, je choisis ce que nous aimons pour nous donner des forces et pour garder notre santé. Le repas m’apparait comme un défi gradué. Le corps s’habitue petit à petit au rythme et aux repas. Avec la vie à la résidence, ce qui m’aide beaucoup c’est l’héritage de mes parents qui ont pu m’apprendre l’ouverture large et m’entrainer à être comme une maman pour mes frères et soeurs : ces compétences me servent beaucoup dans la vie d’aujourd’hui. Je me sens proche de mes amies de résidence malgré nos défis, nous sommes de la même « famille » et en recherche de nous soutenir mutuellement.
Notre charisme m’aide à voir mes amies comme de vraies sœurs de communauté. La formation me permet de grandir dans la différence et accueillir l’autre comme une personne. Dans la vie ensemble, il y a beaucoup de complémentarité entre nous. Quand on se connait davantage, la vie ensemble devient de plus en plus facile, familière et intéressante. Je suis contente et fière d’avoir cette capacité de vivre avec plusieurs nationalités comme première expérience dans ma vie.
C’est possible de vivre ensemble avec décision et le sens que je donne en m’appuyant sur les forces que je porte comme valeur. Pour commencer des choses, ça prend toujours des forces, du temps pour s’habituer, mais à la fin de l’année, c’est une souffrance de se séparer ! Vive la fraternité !
Sr S. BLANDINE, étudiante à l’I.F.H.I.M